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TRAHISON, subst. fém.

A. −
1. Action de trahir en livrant ou en abandonnant une personne, une collectivité. Commettre, consommer une trahison ; se rendre coupable de trahison.
C'est à la trahison qu'Il [le Christ à l'agonie] pense, et elle [Chantal en extase] y pense comme lui. C'est sur la trahison qu'Il pleure, c'est l'exécrable idée de la trahison qu'Il essaie vainement de rejeter hors de lui, goutte à goutte, avec la sueur de sang
Bernanos, Joie, 1929, p. 684.
Les hommes vraiment coupables sont ceux qui, après s'être approchés de Louis XVIII, après en avoir obtenu des grâces et lui avoir fait des promesses, ont pu se réunir à Bonaparte ; le mot, l'horrible mot de trahison est fait pour ceux-là ; mais il est cruellement injuste de l'adresser à l'armée française.
Staël, Consid. Révol. fr., t. 2, 1817, p. 259.
DROIT
Crime de trahison. Crime intentionnel contre la sécurité extérieure de l'État ; en partic., crime de l'individu qui porte les armes contre sa patrie ou livre des plans qui intéressent la défense nationale (d'apr. Cap. 1936).
Mais si le fait que l'ennemi a utilisé certains de ses articles suffisait à le charger du crime de trahison, la salle des assises serait trop petite pour contenir la foule des coupables
Mauriac, Bâillon dén., 1945, p. 473.
Haute trahison. Crime consistant à entretenir des relations coupables avec une puissance étrangère ou ennemie ; crime d'ordre politique consistant, pour le président de la République, à manquer gravement aux devoirs de sa charge. V. haut1I H 3 ex. de Dumas père et de Morand.
Loc. adv., littér. En trahison, par trahison. Traîtreusement. Tuer quelqu'un en trahison, par trahison (Ac. 1935).
2. P. méton. Ensemble de ceux qui trahissent.
En dépit de la situation dans laquelle l'invasion et la trahison ont jeté notre pays, il est d'importance vitale que la France participe à la grande bataille d'Europe avec toutes les forces dont elle dispose
De Gaulle, Mém. guerre, 1956, p. 579.
B. −
1. Action de trahir en trompant la confiance de quelqu'un, en manquant à la foi donnée à quelqu'un, à la solidarité envers quelqu'un ; résultat de cette action. Synon. déloyauté.
J'étais à peine couché que je dus me relever. Je ne pouvais pas laisser Winifred ainsi seule, dans cette chambre où tout venant pouvait entrer. C'était une trahison ; j'étais moralement responsable de cette fille, au moins jusqu'au lendemain matin
Larbaud, Barnabooth, 1913, p. 255.
Est-ce donc ça, une famille? Des duperies, des trahisons, des querelles, des chantages et des mensonges! Cela vaut-il vraiment tant d'amour, tant de peines, tant de travail, tant d'angoisses?
Duhamel, Jard. bêtes sauv., 1934, p. 233.
En partic. Infidélité en amour.
J'aurais été réellement trompé, et sûr de la trahison d'une femme aimée, que je n'aurais rien éprouvé de pire
Musset, Confess enf. s., 1836, p. 339.
2. P. ext. Action d'agir en contradiction avec un engagement, une cause.
L'archevêque de Paris déclare : « (…) Le cinéma n'est pas une marchandise comme les autres : car l'argent que vous y gagnez peut être l'honnête salaire d'un service que vous rendez à l'humanité ; mais il peut être aussi le salaire d'une trahison envers votre idéal (…) »
Le Figaro, 19-20 janv. 1952, p. 2, col. 8.
C. − Au fig.
1. Action de ne pas traduire fidèlement, de déformer, de dénaturer quelque chose.
Si, de l'œuvre, il [l'interprète] retranche des parties qui lui paraissent inutiles, difficiles, ou s'il ajoute des effets, (…) j'appellerai toujours ces manières de procéder des trahisons, à moins que l'auteur lui-même ne considère son interprète comme un collaborateur
Arger, Init. art chant, 1924, p. 184.
2. Indications, données trompeuses. La trahison des sens.
Le brouillard est un obstacle mou ; de là des périls ; il cède et persiste ; le brouillard, comme la neige, est plein de trahison
Hugo, Homme qui rit, t. 1, 1869, p. 136.
Prononc. et Orth. : [tʀaizɔ ̃]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1100 traïsun (Roland, éd. J. Bédier, 178) ; ca 1160 par traïson (Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 5) ; 1292 graunt tre(y)soun « haute trahison » (Britton I . IX. 1 et 2 ds NED) ; 1649 haute trahison (I. Ango, Récit véritable, p. 11 ds Mack. t. 1, p. 74). Dér. de trahir* ; suff. -on1*. Fréq. abs. littér. : 1 582. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 058, b) 2 167 ; xxes. : a) 2 784, b) 2 135. Bbg. Slater (C.). Defeatists and their enemies. Oxford, 1981, pp. 92-93.
* Dans l'article "-AISON, -ISON, -OISON,, suff."

-AISON, -ISON, -OISON, suff.

Suff. essentiellement formateur de subst. d'action.
I.− Action de (+ inf. du verbe de base)
A.− [La base est un verbe trans.]
-aison :
combinaison « organisation précise de moyens en vue d'assurer le succès d'une entreprise »
comparaison « action d'envisager ensemble 2 ou plusieurs objets pour en chercher les différences »
conjugaison rare, « fait de conjuguer [les efforts, etc.] ; ensemble des formes verbales »
crevaison « action de crever ; son résultat »
cueillaison « action de cueillir (surtout fig.) » (cf. infra rem. 2)
fauchaison « action de faucher » ; synon. de fauchage(cf. infra rem. 2)
liaison « action de lier »
livraison « remise matérielle d'un objet »
ouvraison technol., « action d'ouvrer, de mettre en œuvre (les soies grèges) »
pendaison « action de pendre quelqu'un »
plumaison rare, « action de plumer un oiseau »
salaison « opération par laquelle on sale »
tomaison « indication du numéro du tome »
tondaison vx, « tonte »
-ison :
trahison « action de trahir »
B.− [La base est un verbe empl. intrans. ou pronom.]
-aison :
calaison mar, « enfoncement d'un navire suivant son chargement »
défeuillaison didact, « chute des feuilles »
démangeaison « sensation qu'on éprouve au niveau de l'épiderme et qui excite à se gratter »
diphtongaison « fait de se diphtonguer »
grenaison « formation du grain des céréales »
inclinaison « action de pencher » (inclination s'emploie au sens figuré)
liaison « action de se lier »
nouaison « transformation de l'ovaire de la fleur en fruit » (cf. nouure)
pendaison « action de pendre, de se pendre »
-ison :
guérison « fait de guérir »
-oison :
pâmoison « fait de se pâmer »
C.− Rare. [La base est un subst.] :
harengaison « pêche au hareng »
olivaison « récolte des olives »
Rem. 1. Le suff. peut servir à exprimer en outre a) Très rarement, l'agent : garnison « troupes qui assurent la défense d'une place ». b) Plus fréquemment L'obj. auquel aboutit l'action ou le moyen grâce auquel elle s'accomplit : déclinaison « gramm., ensemble des formes que prennent les noms, pronoms et adjectifs des langues à flexion » exhalaison « ce qu'un corps exhale » (cf. exhalation « action d'exhaler ») livraison « partie d'une publication livrée aux souscripteurs au fur et à mesure de l'impression » terminaison « cour., fin d'un mot considéré sous un aspect quelconque » L'aboutissement de l'action ou l'état qui en résulte : combinaison « état de ce qui est combiné » inclinaison « état de ce qui est incliné » liaison « état de personnes liées entre elles hors mariage »
Rem. 2. Un certain nombre de subst. en -aison appartiennent au vocab. des techniques agricoles : cueillaison, défeuillaison, effeuillaison, fauchaison, feuillaison, floraison (également lang. cour. et littér.), grenaison, nouaison. Cf. aussi épiaison, synon. de épiage et épiation « développement de l'épi dans les céréales » (Lar. 20e) (cf. étymol. B 2).
II.− Durée de l'action, époque, saison.
A.− [La base est un verbe] Durée de l'action, époque à laquelle elle a lieu :
couvaison « temps pendant lequel les oiseaux couvent leurs œufs »
cueillaison « époque où l'on cueille les fruits »
fauchaison « époque où l'on fauche »
fenaison « époque à laquelle on coupe les foins »
pondaison « saison de la ponte des oiseaux »
B.− [La base est un subst.] Espace de temps :
cervaison « époque où le cerf est gros et bon à chasser (de juin à mi-septembre) » (Lar. 20e)
cuvaison « séjour et fermentation du moût de raisin dans les cuves » ; synon. de cuvage
harengaison « temps où a lieu la pêche au hareng »
lunaison « intervalle de temps compris entre 2 nouvelles lunes consécutives »
nuaison mar, « durée d'un même vent »
olivaison agric., « saison où se fait la récolte des olives »
porchaison chasse, « saison pendant laquelle le sanglier est le plus gras »
Morphol. − Var. morphol. du suff. − -oison, anc. forme de -aison qui s'est maintenue en fr. mod. dans le terme littér. pâmoison. -ison s'accole uniquement à des verbes du 2egroupe : garn-ir/garnison, guér-ir/guérison, trah-ir/trahison. -aison s'accole princ. à des verbes du 1ergroupe : combin-er/ combinaison, li-er/liaison. ou du 3e : pend-re/pendaison, tond-re/tondaison.
Étymol. ET HIST. A.− Étymologie − -aison remonte au lat. -ātĭōnem par l'intermédiaire de formes en -eison, -oison que l'on rencontre dans l'anc. lang. : oreison, veneison, coltivoison, livroison, mangeoison, etc. -ison remonte au lat. -ĭtĭōnem : trahison < ; tradĭtĭōnem. B.− Vitalité et productivité 1. Vitalité. − L'analyse se fait en gén. très facilement, qq. ex. seulement ne sont pas analysables en fr. mod., en raison de l'absence en fr. ou de la disparition du verbe corresp. : cargaison, de l'esp. cargar « charger » fenaison, de fener, anc. forme de faner véraison, du prov. vairar « commencer à prendre des couleurs, à mûrir » (mais véraison peut aussi être directement emprunté au prov. vairason) Dans qq. mots héréditaires, le suff. reste reconnaissable en raison de l'existence du rad. dans des mots de la même série morphol. : oraison lat. oratĭōnem (cf. cependant oratoire, adorer, …) venaison, du lat. venatĭōnem « chasse, gibier », de venari « chasser » (cf. cependant veneur, vénerie) 2. Productivité. − -aison a formé de nombreux subst. d'action en a. fr. : abitoison, acordoison, arestaison, avalaison, caugueson, donoison, forcenaison, formaison, garantison, mostraison, vendangeaison… Dès le xvies., il cesse de former de nouv. dér., et il est de plus en plus remplacé par le suff. sav. -ation : alteraison/altération, dérivaison/dérivation, formaison/formation, inclinaison (encore utilisé au sens concr. et en géom. ou en astron.)/inclination … Il a été parfois éliminé par -ance : délivraison/délivrance. Le nombre des dér. en -aison qui subsistent en fr. mod. est relativement peu élevé, et le plus souvent ils sont utilisés dans la lang. techn. (agric., gramm.). Crevaison et épiaison ont été récemment enregistrés ds Pt Lar. 1963 (cf. Dub. Dér. 1962, p. 31), mais ce sont des cas de réutilisation de mots anc. dans des lex. très spécialisés (dans le cas de crevaison [de pneus de bicyclette ou d'automobile] où il s'agit d'une techn. très pop., on peut cependant se demander si on n'est pas en présence d'une formation nouvelle à partir du verbe crever très empl. dans la lang. techn.). C.− Signification 1. Déjà en lat., le suff. s'employait dans la lang. de l'agric., pour indiquer le temps de la maturité ou de la récolte : ficatio « saison de la maturité des figues », olivatio « saison de la récolte des olives » 2. Noter en a. fr. : jeünaison « temps du jeûne », moustaison « époque de la vendange » (littéralement de la formation du moût) »
BBG. − Baldinger 1950, p. 249. − Darm. 1877, pp. 85-86. − Dub. Dér. 1962, p. 31. − Lew. 1960, pp. 55-56 ; p. 122.